La période qui s’ouvre en 1880 et s’achève vers 1968 est, malgré sa durée, d’une incontestable unité. L’institution scolaire se situe alors au cœur de l’identité française : l’école primaire laïque, gratuite et obligatoire, résume à elle seule une sorte d’idéal français d’acculturation complète.
Les enseignants jouent un rôle national considérable : « les hussards noirs » s’efforcent d’achever la Révolution commencée en 1789 en diffusant largement les valeurs des Lumières ; les professeurs des lycées entretiennent dans la bourgeoisie française un idéal de culture générale désintéressée qui résume souvent, au-delà des frontières, la culture française ; enfin, de l’affaire Dreyfus à la Résistance et à la décolonisation, les universitaires apparaissent souvent comme la conscience morale d’une nation qui, pour ne pas faillir à sa mission historique, se doit d’être gouvernée par l’intelligence.
Par ailleurs, l’image de l’enseignement est incontestablement positive dans l’opinion : d’une façon générale, la confiance en l’École est forte ; le métier attire à lui les meilleurs élèves des classes moyennes et populaires ; le rôle social des maîtres, débordant largement la salle de classe, s’étend à la gestion concrète des affaires communales, à la vie politique locale ou nationale, au journalisme et à la création littéraire.
Cependant l’École triomphante est travaillée de très vives tensions. Les contenus et les méthodes ne font pas l’unanimité, surtout à mesure que le temps passe. Prise dans son ensemble, l’œuvre est positive : rapprochement culturel des sexes, relative démocratisation des savoirs, enracinement du sentiment républicain – qui protège la France, jusqu’à l’Occupation, de la déferlante totalitaire du XXe siècle.